Voyage en Inde

Dimanche 15 juillet – Haridware

Nous prenons comme la veille notre petit déjeuner à l’hôtel, mais je me lance cette fois dans les œufs durs. Je me montrerai au fil des jours de plus en plus téméraire concernant l’alimentation, jusqu’à prendre des risques inconsidérés qui me laisseront des souvenirs impérissables.

Nous faisons nos sacs et sommes dans le hall à huit heures, prêts à partir. Le taxi est là aussi. Nous réglons le solde de la course le prix convenu, et comprenons alors que l’acompte d’un tiers à la réservation était en fait la commission du gérant de l’hôtel.

Le chauffeur qui est très gentil vient du Népal où vit encore sa famille, mais travaille en Inde. Trois petites figurines de singes décorent sa lunette avant du taxi. L’un se bouche les yeux, l’autre les oreilles, et le dernier la bouche. Il nous explique que cela signifie  «Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire».  D’ailleurs avant le départ il fait les mêmes gestes en se mettant les mains devant les yeux, les oreilles, la bouche.

Je remarquerai lors de notre périple que les chauffeurs suivent toujours certains rituel : ils se signent au départ où lorsque nous passons devant un temple,  jettent une pièce dans les rivières lorsque nous les traversons, etc.

Nous quittons la ville en passant devant la gare routière ou nous sommes allés la veille. La route est dégagée mais nous n’allons malgré tout pas très vite,  notamment à cause des énormes dos d’ânes qui barrent la route tous les 500 mètres, et que le taxi doit passer en roulant au pas. Nous voyons régulièrement des cantonnier les fabriquer de façon très simple : deux ou trois rangées de briques alignées, un peu de terre dessus, et c’est tout.

D’innombrables d’immeubles sont en construction en périphérie de la ville.

Tout le long de la route nous croisons des indiens, très jeunes,  habillés en orange, qui vont en sens inverse à pieds, descendant vraisemblablement vers Dehli, portant des symboles religieux et des bonbonnes en plastique remplies d’eau. Plus nous avançons, plus ils sont nombreux, accompagnés de chars qui diffusent une musique très rythmée. Au bout de quelques dizaines kilomètres, la moitié de la route leur est réservée.

Au bout de 100 km, ils occupent la totalité de la route qui est passée de quatre à deux voies, et nous sommes détournés sur des chemins de terre tout bosselés au milieu des champs. Je souffre pour la voiture dont la suspension n’a pas l’air en très bon état, et suis inquiet pour le chauffeur qui risque d’avoir des dégâts sur sa voiture dont un voyant vient de s’allumer. Lui n’a l’air de n’avoir ni doute, ni hésitation, ou en tout cas ne le montre pas.

Nous finissons par rejoindre une route en bon état sur un autre itinéraire que le chemin des pèlerins. Le chauffeur nous arrête à un restaurant et nous laisse déjeuner sans lui. Nous le retrouvons après un repas correct qui nous apprendra que le service n’est pas inclus dans les repas, ce que nous fera remarquer le serveur en réclamant son pourboire. Le chauffeur nous dira ensuite qu’il faut donner environ 15% du prix.

Nous repartons. La campagne verdoyante est très jolie, alternant champs et forets, parsemés des petits villages et de nombreuses briqueries constituées d’un simple four doté d’une haute cheminée entourée de milliers de briques. Nous traversons des forêts de manguiers, dans lesquelles des gens cueillent les fruits pour sans doute les revendre en ville, et apercevons les premiers singes au bord de la route, portant leurs bébés.

Nous arrivons à Haridwar en milieu d’après-midi. La ville est noire de monde, ou plutôt orange, car les nombreux pèlerins sont habillés de cette couleur qui est celle de la foi comme nous l’indique le chauffeur. La ville est fermée aux voitures, le taxi nous laisse à l’entrée après nous avoir fourni ses coordonnées et montré l’album photo de tous ses anciens clients.

Nous longeons les berges du Gange pour emprunter un pont et rejoindre le centre où se trouve notre hôtel. Il règne partout une atmosphère de fête, de nombreuses personnes se baignent dans le Gange, se sèchent dans de grands draps et se réchauffent en sortant de l’eau.

Seuls occidentaux, avec nos énormes sacs à dos, nous sommes une véritable attraction, très vite entourés d’une dizaine d’indiens qui se demandent ce qu’on peut bien faire ici. Ils nous escortent, nous regardent en riant, nous prennent en photo, soit en cachette, soit ostensiblement. Les plus audacieux viennent nous demander de se faire photographier avec nous. Dès lors que nous acceptons, c’est avec chaque personne du groupe qu’il faut recommencer. Ils adorent également que nous les prenions avec notre propre appareil. Le rituel veut alors que nous leur montrions la photo, et qu’ils hochent la tête de côté pour montrer leur satisfaction.

Nous parvenons à notre hôtel qui est assez luxueux, et repartons visiter la ville à pieds après avoir laissé nos sacs.

Les rues sont saturées de monde, essentiellement des jeunes de 15 à 25 ans, qui chantent, crient, et font le plus de bruit possible. Des boutiques le long de rues vendent toutes sortes des babioles religieuses : short, tee shirt et casquettes oranges, médailles, gourdes pour ramener de l’eau du Gange. J’achète cinq médailles de Shiva, une petite gourde en plastique, et la tenue complète du parfait pèlerin : short, tee shirt et casquette orange.

La foule est de plus en plus dense à mesure que nous nous rapprochons du Gange. De nombreuses personnes viennent nous voir, pour discuter avec nous, nous prendre en photo, se faire photographier.  Ils ont l’air sincèrement contents de nous voir ici, fiers de nous montrer leur fête, et flattés de l’intérêt que nous y portons. Le tee shirt orange que j’ai sur moi par hasard y est surement aussi pour quelque chose.

Nous dinons dans un restaurant plutôt calme, où nous croisons un couple d’européens qui ont dû être conduits au même endroit que nous par le même guide touristique. Cela se reproduira régulièrement : les quelques restaurant recommandés par le guide Lonely Planet seront fréquemment un lieu où retrouver des touristes, et souvent même des français, ce qui me laisse supposer que leurs sélections sont différentes pour les différentes éditions.

Nous retournons marcher dans une rue qui longe le Gange, où on trouve cette fois des magasins de tissus et d’artisanat, et qui nous mène sur les berges à Har-ki-Pari où Vishnu a laissé une empreinte de pied. Les indiens continuent à se baigner, sous des éclairages artificiels et un bruit incessant qui donne à l’ensemble un caractère surréaliste qui me rappelle la scène fête nocturne dans Apocalypse Now.