Mardi 24 juillet – Badrinath
Il est 5h. Je regarde par la fenêtre, la vallée est remplie de nuages. Quelques instants plus tard j’entends la pluie qui se met à tomber de plus en plus fort.
Nous nous décidons quand même à aller faire l’excursion que nous avions prévue, à Badrinath, petite ville de montagne située à 3200 mètre non loin de la frontière tibétaine, un des quatre lieux de pèlerinage du Char Dham, chacun étant situé à la source d’une des rivières qui donnent naissance au Gange. Nous prenons d’abord un petit déjeuner composéd’une omelette et de thé.
Nous ne trouvons pas de bus et aucune Jeep ne contient encore de passagers, ce qui laisse craindre une longue attente. Le chauffeur nous propose de nous emmener comme taxi pour 700Rs, ce que je refuse, même si à la réflexion c’est un peu ridicule, puisque 700 Rs ne reprédentent que 10 €, soit 5 € par personne, c’est à dire deux fois moins cher qu’un ticket de RER pour aller de chez nous à Paris. Finalement la Jeep est remplie en 20 mn et nous partons.
Plus nous avançons, plus les nuages se font rares, et moins il pleut. A 5 km de l’arrivée il ne pleut plus du tout, et à la seconde même où nous nous garrons sur le parking au milieu de la petite ville le soleil apparait. Mireille me fait remarquer qu’elle a mis de la crème solaire avant de partir, malgré la pluie, et que c’est donc en quelque sorte grâce à elle que le soleil est apparu. Pourquoi pas, de toute façon je me dis de plus en plus que tout en possible dans ce pays.
Nous nous rendons tout d’abord au temple dont notre guide de voyage dit qu’il est dédié à Vishnu. Il est très joli, paré de nombreuses couleurs très vives qui ressortent sous le soleil. Il y règne tout autour une ambiance festive, mais sans caractère expansif comme à Haridwar.
Nous confions nos chaussures à un Sadhu et rentrons le « visiter » pieds nus comme il se doit. Une énorme cloche est accrochée à l’entrée, les indous la font sonner en entrant. Je me demande si j’ai le droit moi aussi, moi qui ne suis pas de leur religion. J’interroge du regard un indou dans les yeux duquel je lis une réponse non seulement positive mais aussi encourageante . Je m’en donne à cœur joie,même si je dois m’y prendre a deux fois puisque le gong de la cloche est asez haut et lourd.
La visite ressemble à celle du temple de Mansa Devi où nous étions allés à Haridwar, mais avec bien moins de monde. Juste après l’entrée, un prêtre récolte les dons et nous trace un trait rouge sur le front. Nous circulons ensuite sur quelques mètres pour passer devant la statuette du dieu aux yeux très vifs, brillante et décorée. Tout autour de la cour intérieure se trouvent des petits temples rattachés à des écoles des gourous célèbres, ainsi que des lieux de méditation. Nous ressortons et faisons nos traditionnelles photos devant le temple, dont un certain nombre avec des indous, toujours aussi ravis de se faire photographier avec nous et de nous prendre en photo.
Le centre du village est très animé, rempli de minuscules échoppes. La ville se découpe en petits « quartiers » d’une cinquantaine de mètres de long et d’une dizaine de boutiques chacun : un quartier pour les bibelots religieux, un autre pour les restaurants, un autre pour les épiceries et un dernier pour la vente de produits artisanaux.
Nous partons ensuite nous promener sur le chemin qui remonte la vallée du Rishi Ganga et mène à de nombreuses cascades. Sur le chemin nous croisons un pèlerin avec qui nous avions fait connaissance à notre arrivée dans le village. Il est venu trouver un dentiste, mais nous explique que celui-ci ne saura vraissemblablement pas soigner sa dent et qu’il sera obligé d’aller à Joshimath. Il propose de nous accompagner jusqu’à un petit temple situé en hauteur, là ou Vishnu aurait laissé une empreinte.
La montée est raide, et on s’essouffle rapidement à cette altitude de 3500 m. Nous arrivons au bout de 45 minutes de marche. Le pèlerin nous présente son ami qu’il appelle Sri Swami. C’est un Yogi, gardien du petit temple complétement enterré qu’il nous fait visiter et qui ressemble à une petite grotte de 1,5 m de haut et 5 mètres de long, au bout de laquelle se trouve une petite statue. Le pèlerin nous explique que le prêtre passe ici des heures à méditer dans un silence absolu.
Le prêtre nous offre un thé dans sa petite cabane juste au dessus du temple. Il est parfumé avec des herbes qu’il ramasse lui-même dans la montagne et auxquelles il ajoute du gingembre et du massala. C’est sans doute le meilleur massala chai que j’ai jamais bu.
C’est alors que tout le paradoxe de l’Inde nous apparait. Le pèlerin et le swami nous parlent d’un trek vers Satopanth et nous proposent de nous l’organiser. Il faut prévoir un guide et environ trois porteurs, sur 4 ou 5 jours, ce qui couterait environ 13 000 Rs. Cela constitue une somme et nous devons de toute façon retourner à l’hôtel à Joshimath ou nous avons réservé plusieurs nuits et avons laissé nos affaires. Nous lui disons que nous reviendrons surement vers 29 aout, après notre excursion dans la Vallée de Fleurs, et promettons de le rappeler. Le swami nous donne alors sa carte de visite comme le ferait n’importe quel homme d’affaire occidental.
Nous prenons congés d’eux et continuons notre randonnée dans la montagne en remontant la vallée qui est absolument splendide. Nous faisons une pause dans une petite prairie d’herbe très verte et très rase, vraisemblablement tondue par les nombreuses vaches qui se promènent en toute liberté. Un aigle vient nous rendre visite, il a l’air étonné de nous voir là, il tourne au-dessus de nous quelques minutes comme on imagine qu’il le ferait au-dessus d’une proie, descend jusqu’à 10 mètres de nos têtes, puis repart. Finalement nous ne l’intéressons pas.
Nous continuons à monter jusqu’au niveau d’une grande cascade que, selon la légende, un yogi aurait déplacé par la pensée pour la changer de versant de la vallée, sans doute pour avoir un peu d’eau près de la grotte juste à côté. J’entends une musique étrange, le son d’une flute qui vient de loin. Elle provient du bas de la grotte où j’aperçois trois silhouettes toutes habillées de blanc et aux longs cheveux noirs
Nous continuons à monter sur le sentier, mais vers 15h le temps se couvre et nous décidons de redescendre, mais aussi de revenir une autre fois car cet endroit est vraiment merveilleux.
Arrivés au village je m’arrête pour manger deux samoussas agrémentés de légumes. Mireille préfère acheter des bananes et des chips. Nous filons vers le grand parking principal, trouvons une Jeep et rentrons à Joshimath.
Nous dinons dans le restaufang de notre hotel où nous sommes les seuls clients comme ce sera le cas tous les soirs. Le cuisinier d’une vingtaine d’année et un jeune serveur d’envirron douze ans attendent notre commande. C’est le patron qui la prend car ce n’est qu’avec lui que nous arrivons à peu près à nous comprendre. C’est lui qui fera, laborieudement, notre apprentisage des nom des principaux plats : allo ghobi, paneer, chapati, roti, etc. Régulièrement il se retourne vers son cuisinier pour savoir si le plat envisagé est disponible. La cusine sera toujours délicieuse dans ce restaurant.