Lundi 23 Juillet – Joshimath
Nous nous levons à 6h15 pour nous trouver à la station de bus à 7h, heure recommandée pour prendre un bus. Nous n’en trouvons aucun.
Nous prenons une option dans une Jeep qui ne contient que 4 passagers, et le chauffeur disparait. Nous la quittons aussi.
Un bus est annoncé pour 8h. Nous l’attendons, il arrive et nous embarquons.
A peine montés, nous devons tous redescendre. De la fumée sort du moteur juste sous la cabine du chauffeur. En fait rien de grave, juste un tuyau qui touche la partie chaude du bloc moteur et qui commençe à fondre.
Nous partons et nous arrêtons 3 km plus loin, cette fois ci pour changer la batterie.
Nous passons devant des écolières en uniforme, impeccablement habillées au milieu des bidonvilles. Ce spectacle que nous reverrons fréquemment tèmoigne de l’importance que les indiens attachent à leur jeunesse et leur éducation.
Nous repartons et nous arrêtons 5 minutes plus tard. Cette fois il semble que ce sont les vitesses qui sautent, ce qui est réparé avec un bout de fil de fer qu’un passager avait heureusement dans ses bagages.
Une quatrième panne, bien plus grave intervient 15 km avant l’arrivée, alors que nous sommes en pleine montagne. Il s’agit d’une fuite du liquide qui semble servir à la fois à la direction et au frein. La cause de la panne n’est pas très claire, mais le chauffeur, apres avoir mis le bus sur cales, répare de nouveau avec des bouts de fils de fer, dont il se sert cette fois pour arrimer le réservoir de liquide à un autre endroit.
Après cette réparation de fortune, il demande à tout le monde de descendre et effectue un ultime test : il accélère en descente, puis freine un grand coup en pillant, puis recommence deux ou trois fois. Satisfait, il invite tout le monde à remonter dans le bus en annonçant de la façon la plus convaincante possible que la réparation est un succès.
Personne n’est vraiment rassuré. Certains indiens, qui sont quasiment tous ici en pèlerinage, font un signe religieux en montant dans le bus. Par solidarité et avec un peu d’ironie, le les imite et fais un signe de croix en montant. Ceux qui m’ont vu semblent apprécier, et je vois dans leurs regards un mélange de considération, de satisfaction et d’humour. Ils constatent que j’ai moi aussi une religion et que j’appelle mon Dieu en renfort des leurs. Nous sommes maintenant un peu plus dans la même galère, ensemble et solidaires.
Nous repartons sur notre route de montagne, large de quelques mètres, coincée entre des précipices à pic et des falaises de rocher, enchainant les virages sans visibilité, et avec toujours la même question qui se repose toutes les deux ou trois minutes : est-ce que les freins vont tenir, ou bien va-ton foncer dans le vide ? Je me rappelle alors ce qu’on m’avait raconté au sujet des bus indiens : « de toute façon, eux ils s’en moquent, ils croient en la réincarnation, pour eux ce n’est au pire qu’une nouvelle vie qui commence ». Je dispose de longues et intenses minutes pour méditer la dessus, mais je n’ai pas d’autre choix que de relativiser, et de me dire qu’ils ont finalement peut être raison.
Les 15 derniers kilomètres paraissent une éternité. A chaque virage je me dis que c’en est peut être fini, mais en adoptant petit à petit le même détachement que mes voisins, avec quelque chose du genre « si on tombe dans le ravin, ce n’est pas grave, c’est que cela devait arriver, et donc tout sera normal ».
Nous croisons une vache noire morte, étendue sur la route. Elle vient sans doute juste d’être percutée par un véhicule, et baigne dans une flaque de sang bien rouge qui sort encore de sa bouche. L’atmosphère est glaciale dans le bus. Le sentiment qui me vient immédiatement, c’est que cette vache est la victime qui nous permettra d’en sortir indemne, la vache sacrifiée.
Je ne suis pas sûr que le chauffeur, livide, en tire la même conclusion. Je l’observe, il a l’air très concentré mais nerveusement à bout. De temps en temps, il demande a son co-équipier une de ces petites cigarettes coniques qu’ils fument par ici. Sur la fin, il se paie le luxe de doubler un autre bus, rasant ainsi le bord de la route. C’est un véritable malade. Nous en rencontrerons deux autres comme lui pendant notre séjours.
Nous arrivons à Joshimath, le bus nous laisse au centre du village. Nous récupérons nos sacs dans la soute et je lance un « Thank’s and good luck » au chauffeur avec un signe « ok » de la main. Il est livide sous son teint indien.
Nous allons dans le meilleur hotel, le Snow Crest, et prenons une chambre de classe moyenne dont je négocie le prix de 100 Rs pour la forme. En final, le lavabo étant cassé, nous échangerons avec une chambre de luxe pour le même prix. Le responsable est trés sympathique, mais nous avons beaucoup de mal à le copprendre, et c’est encore pire avec les employés
Nous entammons alors le rituel maintenant bien rôdé d’aménagement, à commencer par l’installation d’une corde à linge qui traverde la chambre de bout en bout en tirant de partie des poignées de portes et de fenêtres.