Dimanche 22 juillet – Srinagar
Nous nous levons à 6h15 pour nous retrouver sur le parking de l’entrée du village à 7h, heure conseillée par les gardiens du GMVN pour trouver un véhicule qui redescend.
Après le tchouck tchouck des villes, le taxi des routes, le train des plaines et le bus de montagnes, nous allons tester la Jeep. C’est un 4×4 qui fonctionne en taxi partagé. Il se fixe une destination, en général la mêmes que les bus, et part dès qu’il a 10 passagers : deux à côté du chauffeur, 4 sur la banquette transversale, et 6 à l’arrière sur les deux banquettes longitudinales. Ces dernières places sont les moins confortables, on y est en effet facilement malade en montagne, surement parce qu’on n’est pas face à la route et qu’on voit très peu l’extérieur ce qui empêche d’y fixer son regard sur un point fixe. Il est à peine plus cher que le bus, et supposé aller plus vite.
Nous en trouvons un qui redescend sur Uttarkashi, il sera plein en moins de 10 minutes, ce qui prouve que le conseil de venir à 7h était bon.
Nous sommes à l’arrière avec trois jeunes indiens d’environ 25 ans que nous avions croisé la veille devant le temple en redescendant de Gaumukh. Ils s’étaient intéressés à notre excursion en se demandant s’ils allaient la faire aussi, et il semble que finalement non. Ce ne sont visiblement pas de grands sportifs, et ils doivent reprendre leur cours lendemain. Deux sont en école d’ingénieur et un en médecine.
Nous parlons de choses et d’autres, de l’Inde et des indiens. Je cherche un indien célèbre et pense à Bose immédiatement puisque les bosons et leur indiscernabilité me fascine. De là on parle de mécanique quantique puis de la relativité qu’ils me demandent de leur expliquer. Après un bref exposé de 3 minutes, en anglais, dans le coffre d’une Jeep à 3000 m sur piste de l’Himalaya, je me rends compte que personne n’a rien compris, et je prends conscience de l’aspect surréaliste de la situation. On passe à autre chose.
Ceci dit, je reste convaincu que si Bose a été le premier à mettre le doigt sur les propriétés fantastiques des particules indiscernables, c’est vraisemblablement lié à son immersion dans la philosophie et la religion indoue qui rend envisageable le fait que des choses différentes ne fassent qu’un. De même, l’intérêt que portait Schrödinger pour les Upanishad et la Vedanta, qu’il aborde en postface de son livre « Qu’est-ce que la vie », lui a surement été utile dans sa découverte de la mécanique quantique.
Un des indiens est malade et va se soulager sur la route. Un autre prend mon adresse mail, il est aujourd’hui dans mes contacts Face Book.
A Uttarkashi nous cherchons un bus ou une jeep pour Srinagar, mais tous sont déjà partis. C’est finalement notre Jeep qui se transforme en taxi individuel pour 2000 Rs, c’esr a dire l’équivalent de 10 places à 200 R. Elle prend un itinéraire différent de celui que nous avons pris pour venir de Rishikesh, en coupant par la montagne. Le paysage est magnifique, d’autant plus qu’il fait grand soleil. Nous surplombons des vallées profondes qui par endroit se transforment en lac.
Nous arrivons à 17h, le chauffeur nous indique où sont les meilleurs hôtels puis nous laisse au Rest House du GMVN. Nous y prenons une chambre confortable avec climatisation et eau chaude, mais il fait en fait tellement chaud dehors que l’eau froide sort tiède, et que la climatisation ne fait que brasser de l’air à température ambiante.
Nous allons nous promener dans la ville qui nous parait plus propre qu’ailleurs. Mireille achète un foulard qu’elle pourra se mettre sur le visage pour le cas où nous irions dans des endroits où les femmes doivent être couvertes, ce qui ne sera jamais le cas.
J’achète trois mangues et mange un cornet d’oignons frits acheté dans la rue. Je comprends mon erreur quand je vois les visages effarés des indiens qui m’observent. L’un d’eux me suit en faisant dans son dos un signe de la main semblant conjurer le sort (seuls le pouce et l’auriculaire dépliés, les autres fermés, comme pour symboliser les cornes d’un taureau). Je me prépare mentalement au pire, je n’aurai finalement pas les mêmes désagréments qu’avec le jus de citrons d’Uttarkashi. Peut-être est-ce le sort de l’indien, ou peut-être est-ce que je m’endurcis.