Samedi 21 juillet – Gamukh
A 4h du matin j’entends des gouttes d’eau qui frappent la toile de tente, d’abord de façon très éparse, puis de plus en plus fréquemment et de plus en plus fort. Il pleut. L’aller – retour vers Tapovan que nous avions prévu la veille avec un guide du GVMN est compromis.
Nous nous apprêtons pour partir vers Gaumuck en laissant nos sacs ici, et ne prenant qu’un peu d’eau et des vêtements chauds. Très vite la pluie cesse, et avons même quelques rayons de soleil.
La vallée se rétrécit à mesure que nous avançons, le chemin reste très praticable, il ressemble à n’importe quelle chemin de terre que l’on trouverait en France, le paysage majestueux en plus.
A deux kilomètres de l’arrivée, nous voyons un panneau indiquant que le glacier arrivait à ce niveau en 1860. J’en tire la conclusion un peu superficielle que le réchauffement ne date pas de ces dernières années.
A mesure que nous approchons, apparaissent des petits temples qui sont pour la plus part érigés en mémoire de grands maitres yogi. Certains contiennent leurs cendres dans un vase.
Sur la fin nous avançons à travers les pierrailles poussées par le glacier, et il faut se diriger en suivant des kernes, ces petits de tas de cailloux qui indiquent le chemin. Je contribue moi-même symboliquement en fabriquant un kerne que j’essaie de concevoir solide après un choix judicieux de pierres dont la forme leur permet de s’assembler. Puis la vallée se rétrécit encore, et nous devons marcher au bord de l’eau pour aboutir à l’extrémité du glacier d’où sort le Gange qui mesure quelques mètres de large.
Le glacier de Gaumukh ressemble effectivement à une bouche de vache, mi ouverte, avec une immense lèvre inférieure sur laquelle coule un flot très rapide de la même couleur laiteuse qu’à Gangotri et Haridwar. Cette couleur dès la source est la preuve que la couleur qu’il a là-bas n’est pas lié la saleté provenant de déchets, mais à des alluvions naturels liés à la grande friabilité des montagnes, la même qui est responsable des vallées fortement encaissées et des nombreux glissements de terrain et éboulements.
Le glacier comporte un détail très cocasse que je ne remarquerai que plus tard en regardant une photo : il est marqué d’une énorme croix de type chrétienne sous laquelle des milliers de pèlerins indous viennent en pèlerinage pour se laver dans le Gange, comme s’ils s’y baptisaient. Ce clin d’œil est encore plus amusant quand on sait que de nombreux indiens pense que Jésus a suivi son initiation en Inde dans l’Himalaya, et que de nombreuses analogies relient d’ailleurs les deux religions.
Nous retrouvons là deux des indiens qui ont dormi au même Ashram que nous. Le reste de leur groupe a poursuivi vers Tapovan. Eux, moins rapides, se préparent à se baigner dans le Gange pour se purifier, et se mettent en caleçon. C’est alors que je constate que ce sont des lépreux, et comprends pourquoi un de leur compagnon portait des énormes gants que la température ne justifiait pas. Ce n’était que de la pudeur.
Je me dis que ce n’est pas sérieux de venir jusqu’ici sans faire moi-même un minimum de rituel de purification. Je cherche l’endroit accessible le plus proche de la sortie de l’eau du glacier et finis agenouillé en équilibre sur un rocher qui se trouve à 3 mètre de s bouche. Je me baisse pour m’asperger la figure d’eau, en prenant garde de ne pas tomber car elle est glaciale. Je m’en mets un peu partout. Après avoir rempli ma petite gourde en plastique achetée à Haridwar, je reviens sur la berge complètement frigorifié, le T-shirt et le pantalon trempés, et mes mains gelées.
Les indiens m’interpellent, et, malgré les protestations de Mireille qui a peur que j’attrape leur maladie, arrivent à me convaincre de faire comme eux, c’est-à-dire d’aller dans l’eau jusqu’aux genoux après s’être mis en slip. J’y vais, mais me mettant à quelques mètres, et en espérant qu’ils ne remarqueront pas cette précaution. L’un d’eux me demande de m’approcher pour rejoindre un minuscule petit abri qu’ils ont fabriqué, comme font les enfants au bord de la mer, où l’eau est relativement calme et le sol régulier. Je reste à ma place dans les tourbillons d’eau et en équilibre sur des pierres, et m’asperge d’eau le torse, la tête, le dos. Je ressors en vitesse, transit de froid.
Je me rhabille et nous partons rapidement. Je suis gelé jusqu’aux os. J’ai même l’impression que mon cœur s’est arrêté de battre. J’accélère le pas pour me réchauffer et activer la circulation.
Nous arrivons rapidement Bhojbasa où notre ashram est très bien rangé mais désert, le gardien n’est pas là. Nous prenons nos sacs et repartons pour Gangotri où nous arriverons vers 16h. Nous y rencontrons des jeunes de 20 ans qui ont fait l’aller-retour dans la journée !
Nous allons directement à la Guest House de la GVMN où nous avons laissé nos sacs d’affaires inutiles pour cette excursion, et y réservons la meilleure chambre pour 1000 Rs, sachant que dans la « meilleure chambre » de ces coins perdus de montagne, la peinture est délavée, les draps sont tachés, et l’eau est glaciale. Nous pouvons néanmoins commander un baquet d’eau chaude pour 50 Rs. Nous en commanderons deux par gourmandise, mais n’en n’utiliserons qu’un.
Nous dinons dans un restaurant conseillé par les gardiens du refuge.